e s t é r e l - 2
l'exemple du parc du yellowstone
un jardin secret
le feu du magma
au temps des Oxubii
un travail de romain
les mystiques au désert
un repaire de brigands
le débarquement de 1944
le barrage de malpasset
tintin et l'île d'or

 

le feu du magma

En empilant les ères, les géologues jonglent négligemment avec les millions d'années : tragiquement, nos vies n'en paraissent que plus courtes. Je ne connais rien à la géologie. Lorsque je suis pieds nus sur les bombes volcaniques rapeuses du bord de mer, chauffées au soleil de midi, je sais - intimement - que c'est hier que la lave s'est déversée. Le temps n'existe plus. Et peu m'importent les classifications des spécialistes. Néanmoins, je me sens comme un devoir de livrer ce que j'ai glané dans les précis de géologie. Ils affirment que c'est vers la fin de l’ère primaire, au Permien, il y a 280 millions d’années, que les phénomènes volcaniques se sont généralisés en Provence et que l'apparition de l'Estérel tel que nous le connaissons aujourd'hui a vu le jour. A cette époque, la surface de la terre n'est peuplée que d'amphibiens et de reptiles. Les dinosaures ne sont pas encore apparus sur la terre. Les premières manifestations volcaniques dans l’Estérel correspondent à des coulées de rhyolite amarante appelée aussi porphyre rouge de l’Estérel. Elles constituent la particularité de cette côte du Trayas à Agay, avec l'éperon du Cap Roux. De nos jours, le promeneur est saisi par le contraste qu'il perçoit entre le vert des forêts, l'incandescence des porphyres qui, dans le soleil couchant, donnent l’illusion de coulées de lave encore flamboyantes, et le bleu intense du ciel et de la mer. Une palette d'une grande beauté. A la fin de cette période d’intense activité volcanique se produit l’effondrement de la partie centrale du massif de l’Estérel. Des vallées se forment avec des lacs. Au volcanisme fissural succède un véritable volcanisme explosif avec la formation de volcans comme ceux de Maure Vieille, de la Baisse des Charretiers et des Collets Redons. Bien avant la fin du Trias, la mer revient (la Provence s'était exondée - surélevée - depuis le Carbonifère, il y a 295 millions d'années) et les eaux commencent à envahir la région.

Il y a environ 60 millions d’années, le volcanisme refait son apparition dans l’Estérel avec l’intrusion du fameux “porphyre bleu” décrit par E. Saussure en 1796. La roche, massive, de couleur claire, bleutée ou blanchâtre, a été exploitée dès l’occupation romaine. De nombreuses carrières se sont ouvertes, entre St. Raphaël et Agay et notamment au Dramont. Il y a (seulement) 7 millions d’années, la Provence va subir un énorme cataclysme : elle va basculer dans les eaux tandis qu’au Nord, les reliefs de la Provence calcaire et du pays grassois, au contraire, vont émerger de la mer qui les avait recouverts jusqu’alors. Des failles effondrent de plusieurs milliers de mètres toute la partie du massif qui était au Sud-Est de l’Estérel, du golfe de St. Tropez à la pointe du Cap Roux constitué de rhyolite ignimbritique. Histoire tourmentée que celle de la Provence, tantôt émergée, tantôt recouverte par la mer, tantôt balayée par le vent du désert ou secouée par les tremblements de terre et les explosions volcaniques ! L’Esterellite (porphyre bleu de l’Esterel) ainsi dénommée par Aug. Michel-Lévy en 1896, est connue depuis l’Antiquité pour son utilisation comme pierre d’ornement. Exploitée en carrière, notamment au Dramont, elle a servi à la construction de plusieurs monuments dans le midi, au pavage de rues et à l’empierrement. L’Esterellite est de couleur claire, blanchâtre ou bleutée, parfois verdâtre. L'Abbé Papon écrit :

“Dans certains endroits de la montagne le porphyre a des taches opaques d’un petit feldspath, semblables à celles qu’on voit dans les urnes et les bustes de porphyre d’Egypte qui ornent la galerie de Versailles. Les colonnes et l’urne du maître-autel de Sainte Marie Majeure à Rome sont d’un porphyre semblable à celui de l’Estérel. Les restes de colonnes de la même pierre qu’on voit dans le cloître de Lérins et devant l’ancienne église ont dû être taillés aux environs de la montagne. (...) A Pennafort, on trouve aussi une mine de fer et des pierres coloriées, approchantes du jaspe. Les unes sont blanches et rouges; les autres blanches et violettes. On trouve des améthystes dans le Rairan (Reyran).” (Voyage de Provence).

Pourquoi l'Estérel est-il rouge ? Les spécialistes ne sont pas tout à fait d'accords entre eux. Selon certains géologues, cette coloration serait due à la cristallisation d’oxydes de fer libérés par une oxydation lors de certaines conditions climatiques. Pour d’autres il s’agirait des rhyolites qui se seraient dévitrifiées au cours de très longues périodes de temps géologiques. Dans un cas comme dans l'autre, le fer présent dans la rhyolite une fois oxydé provoque la couleur rouge, tandis que le fer réduit conduit à la couleur verte (observable notamment au Cap Dramont, en face de l’île d’or). Certaines zones sont brunes ou noires. Elles sont le résultat de la sédimentation, le milieu réducteur ne permettant pas l’oxydation.


L’Estérel se compose de roches volcaniques acides, rhyolithes ignimbritiques rouges - Cap Roux, Pic de l’Ours - riches en silice, de pyromérides, de rétinites, de tufs, de roches volcaniques basiques (noires ou brunâtres), de roches magmatiques (de couleur gris-bleuté) appelées porphyre bleu de l’Estérel ou esterellite et enfin de roches sédimentaires détritiques, grès (sables consolidés), pélites (de couleur lie de vin).

Bien que je sois à la recherche d'un Estérel volcanique, je ne suis pas obsédé par la nomenclature. Ne pas pouvoir coller de nom sur les choses, minéraux ou espèces végétales, n'empêche pas de percevoir leur beauté immédiate, la richesse de leur palette. La science que l'on n'a pas voulu acquérir est supplantée par l'imagination. J'imagine les cataclysmes, les formidables explosions, les extraordinaires bouleversements qui ont donné naissance à ces paysages tourmentés. J'imagine les drames des animaux fuyant les laves incandescentes. Et plus tard, beaucoup plus tard, j'imagine les hommes, regroupés en tribus rivales, guerroyant pour sauvegarder un bout de territoire de chasse et quelques grottes où brûle un bon feu sur lequel les femmes rôtissent un cuisseau d'aurochs ...

 

 

au temps des Oxubii

Les premiers habitants connus du massif de l'Estérel s'appelaient les Oxubii ! On ne sait pas grand chose des habitants de l'Estérel antérieurement aux Oxubii. Des vestiges d'occupation de la zone au Paléolihique, Néolithique et au Chalcolithique ont été retrouvés dans la région lors de fouilles archéologiques. Sur le massif de l'Estérel, ces sites ont été datés de 600.000 à 10.000 ans avant notre ère. Des outils de pierre taillée, en rhyolite, remontant à la période la plus ancienne, ont été retrouvés près d'une ferme à Roussivau. Des silex taillés, contemporains de la période Périgourdine (25.000 ans av. notre ère) ont été trouvés à Gratadis. Ces outils, de même que la silhouette rouge d'une main datée entre 10.000 et 8.000 ans av. notre ère, peuvent être vus au Musée Archéologique de St. Raphaël. Des menhirs ont été retrouvés dans la région. Celui de Veyssières, gallo-celtique, est exposé dans le jardin du Musée. Celui de Valescure a été trouvé lors de la construction d'un lotissement. Il a éte déplacé et érigé en bordure de la route (D.100). Le plus beau, en place sur son site original naturel est, sans conteste, celui d'Aire Peyronne, dans la banlieue de St. Raphaël. Il remonte à environ 4500 ans, à l'époque chalcolithique. Il présente plus de 200 cupules, taillées volontairement par l'homme, sans que l'on puisse expliquer à quel rite religieux cette pratique correspondait.

 

 

Je savais vaguement que ce menhir se trouvait sur une ramification de la départementale 100 à peu de distance de Cap-Estérel. J'ai donc effectué en voiture plusieurs repérages sur cette route, au ralenti, à la recherche de ce satané menhir. Pas la moindre indication, pas le plus petit panneau qui le mentionne ! J'ai questionné un couple de retraités, qui ne le connaissaient pas, mais qui m'en ont indiqué un autre, approximativement, à quelques kilomètres de là, dont ils avaient entendu parler (sans doute celui de Valescure). Surprise des surprises, aprés une carrière en activité la route s'interrompt soudainement, comme si elle n'avait jamais été terminée. Elle se transforme en chemin (très) vicinal, peu carrossable, pour continuer vers l'Est en direction du vallon Vacquier et rejoindre le cours principal de la D.100. Mon intuition finit par me conduire dans l'officine de l'homme que je subodore être le plus savant de la région : le pharmacien d'un centre commercial voisin. J'ai vu juste. Il ne connait pas personnellement le menhir d'Aire Peyronne mais, il y a 15 ou 20 ans, quelqu'un lui a dit qu'il y en avait un, au bout de la départementale 100. Mais au bout de la départementale comment ? la route s'arrête ! C'est là, au bout de la route, cherchez. De retour, à nouveau, au lieu dit, je finis par découvrir le monolithe, édifié derrière un repli de terrain, au sommet de ce qui fut une butte aux temps de la préhistoire, avant que le projet de cette route morte-née ne vienne l'entailler ... pour rien.

Des Oxubii, les descendants tardifs des hommes du chalcolithique, on ne sait presque rien, sinon que les premiers Romains qui s'y sont frottés s'y sont piqués. Aguerries, les légions romaines reviendront quelques années plus tard pour les décimer. Plusieurs traces d'occupation des Oxubii, premier peuple connu du massif de l'Estérel, ont été identifiées. Je ne sais pas pourquoi, j'ai tout de suite aimé les Oxubii. Peut-être cela vient-il de leur nom étrange, venu d'ailleurs. Je les imagine hirsutes, vétus de peaux d'animaux, sautant de rocher en rocher, sur le qui-vive. Ils commettent des rapines par la terre et par la mer. Les tribus indigènes celto-ligures qui occupent le Var aux IIème et Ier s. av. J.C. sont connues et peuvent être localisées grâce aux textes des auteurs antiques, Pline en particulier. Il s'agit des Camactulici (région de Toulon), des Suelteri (Maures), des Verucini (zone au nord de l'Argens), des Oxubii (Estérel) et des Ligauni (territoire autour de Fayence). Les territoires contrôlés par chaque tribu devaient être très importants. Entre la deuxième et la troisième guerre punique (201-149), les peuples de la région ont formé une sorte de coalition pour défendre leurs territoires contre les Romains qui poussent toujours plus loin les limites de l'Empire. Ce sont les Celto-ligures. Les faits d’armes les plus remarquables ont eu lieu de 185 à 180 av. J.C. Ils ont été rapportés par Tite-Live et Paul Orose. Venant de Rome, le prêteur Laelius Baebius, qui se dirige vers l’Espagne à la tête de ses légions, s’arrête dans les Alpes-Maritimes pour soumettre les habitants de cette région. Il s’empare de la petite ville de Cimiez, qu'il saccage, puis de Nice, qui n'oppose aucune résistance. Ayant franchi le Var, il campe un peu à l'Ouest du fleuve, pour laisser reposer ses troupes quelques jours avant de traverser l'Estérel où se tenaient en observation les Oxubii, les Décéates, les Ligaunes, les Bérites, les Nérusiens, les Gallitae, les Triullati, les Eguitures. Tous ces peuples, que le danger imminent avait réunis, surveillaient, des hauteurs de l’Estérel, les mouvements de l’armée romaine. Agay est connue comme un port des Oxubii, d'où ils appareillaient pour des opérations de piraterie. Le nom d'Agay - Agathon, en grec, Aegitna pour les Romains - dériverait du celtique agaze qui signifie guet. Le Rastel d'Agay, promontoire naturel culminant à 288 m., constituait un poste d'observation idéal. Ils y établirent un oppidum. Par une nuit obscure les tribus Celto-ligures décident de passer à l'attaque. Profitant du sommeil des Romains elles égorgent le général et ses troupes. Quelques temps plus tard, les hordes tribales réservent le même sort au consul Quintus Marcius, envoyé pour venger la mort de Baebius. Selon Orose, elles tuent 4000 romains. Mais en 154 av. JC, le rapport de force est inégal : Opimius Postumius, écrase les Oxubii et les Décéates. En 151, Aegitna est soumise. Pour prévenir toute résurgence de la piraterie côtière des Celto-ligures qui ont survécu en fuyant dans les montagnes, et assurer une libre circulation terrestre sur la voie Aurélienne longeant le littoral, les Romains libèrent en 123-122 une bande côtière de 12 stades (2 220 m). Pax romana ! La région est sécurisée.

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